En Afrique, la transmission de la tradition est l'affaire de tout le monde, surtout si elle doit se répercuter sur l'éducation des enfants. C'est ainsi que la famille proche est impliquée dans le processus de transfert des connaissances au même titre que les griots, vrais professionnels de la parole, mais aussi les conteurs, les chanteurs ou encore les écrivains africains qui, un peu plus tard, se sont efforcés d'intégrer la tradition dans leurs oeuvres.
La famille - Les parents
Très fréquemment en Afrique, c'est le père qui instruit son fils et la mère, sa fille. Dans certaines sociétés, l'oncle utérin joue un rôle plus important que le père auprès du garçon, celui-ci étant plus libre avec lui qu'avec son père et le questionnant plus volontiers. Le jeune garçon qui accompagne son père ou son oncle au champ, à la chasse ou à la pêche, la fillette qui aide sa mère, qui se rend avec elle au puits, reçoivent non seulement une instruction technique mais toutes sortes d'informations sur le milieu naturel ou la vie sociale, don’t le prétexte est généralement trouvé dans la tâche qu'ils sont en train d'accomplir ou les rencontres faites en chemin.
- Les grand-parents
C'est à eux qu'incombe le plus la transmission de la tradition aux enfants en fonction de la sagesse procurée par l'âge mais aussi de leur disponibilité. Ils apparaissent partout comme des agents éducatifs importants dans les domaines qui n'ont pas directement trait à la productivité, et en particulier dans l'enseignement oral. Leur rôle n'est nullement négligeable sur le plan de l'intégration sociale proprement dite. Ils servent de trait d'union entre le passé et le présent. C'est souvent chez eux que va habiter le petit enfant après le sevrage ou quand, à 4 ans, il commence à voir les choses et à poser des questions.
On remarque qu'à l'inverse de la relation qui lie l'enfant à ses parents, ses rapports avec ses grands-parents se caractérisent par une sorte d'égalité, de connivence, d'alliance tacite, de propension à la plaisanterie. C'est la grand-mère qui est la plus compétente dans la transmission orale des connaisances. En effet, dans toutes les sociétés, la grand-mère est ce personnage carctérisé par une grande tolérance, une expérience humaine qui en fait la "bibliothèque humaine". Elle occupe une place de choix dans la conservation des valeurs traditionnelles. Dans l'Afrique traditionnelle, la grand-mère était la seule habilitée à parler ouvertement de sexe aux enfants, qui en profitaient pour poser toutes sortes de questions.
Il convient toutefois de noter qu'en Afrique tout vieillard peut intervenir dans la transmission de la tradition, qu'il soit ou non le grand-parent de l'initié. Les personnes âgées sont des sources toujours disponibles qui, dégagées des corvées quotidiennes, peuvent mettre leur expérience et leur mémoire au service de l'éducation des enfants.
Les professionnels de la parole
Le griot a de tout temps été considéré comme le détenteur de la parole, par conséquent la mémoire sociale du groupe. Il retient les faits et les événements importants de son temps mais aussi des temps passés, que ses pères lui ont confiés pour qu'il les restitue aux générations futures. C'est ainsi que, véritable professionnel de la parole, le griot veille à leur bonne transmission. On fait appel à lui lors des événements importants pendant lesquels il ne se fait pas prier pour reconstituer la généalogie d'une famille donnée au son de la kora ou d'un autre instrument de musique selon le type de société.Périodiquement, de grandes réunions à caractère ésotérique rassemblent les griots initiés pour des récapitulations de l'histoire des peuples. Lors de ces cérémonies, les plus jeunes d'entre eux acquièrent de nouvelles connaissances. Les aînés leur présentent des sites sacré, tombes ou anciens autels, leur apprennent les systèmes de décompte du temps pour chaque ethnie et les formes anciennes des langues qui permettent aux chefs des sous-groupes de se comprendre.
D'autres agents qui interviennent dans la transmission de la tradition orale sont les conteurs qui ont toujours des messages à véhiculer lors des veillées nocturnes, mais aussi les chanteurs qui puisent à volonté dans le répertoire national.
Un peu plus tard, on retrouvera ce rôle chez les écrivains africains. En effet la peinture de la société traditionnelle est très présente dans l'oeuvre d'un Senghor, d'un Birago Diop ou encore d'un Mamby Sidibé. Même si cette transmission n'est pas faite par le canal oral, elle mérite d'être citée car la finalité demeure : inculquer aux enfants les valeurs traditionnelles.
Les valeurs de la tradition orale
Les traditions orales ont toujours une portée didactique. En effet, du conte, au mythe en passant par les proverbes et devinettes et jusqu'aux récits épiques, il y a toujours un enseignement à tirer, une valeur à inculquer à l'enfant.
Les thèmes d'instruction sont plus fournis pour les contes et les proverbes. La signification symbolique émanant de ces deux genres est utilisée sur plusieurs plans: connaissance de la nature, morale, comportement social… Les héros des contes mettent en évidence un système de valeurs et incarnent, suivant les cas, les vertus qui les mènent à la réussite sociale ou les défauts qui les conduisent à leur perte. Les contes traditionnels africains mettent souvent en scène des animaux et les qualités qu'on veut inculquer aux enfants sont :
· La prudence indispensable à leur survie, la bonne mémoire, la générosité et la pudeur.
· La ruse -sous une forme ou une autre- parce qu'elle est indispensable pour se défendre contre les forces brutales et malfaisantes de l'environnement.
· Une bonne compréhension de la société dans laquelle ils sont appelés à vivre, notamment les attitudes et comportements de ses membres. On veut aider les enfants à trouver leur place dans cette communauté où chacun a une fonction spécifique à remplir. Aussi, la curiosité et l'originalité ne sont-elles pas encouragées.
·La dignité En grandissant, les enfants comprennent mieux cette sorte de morale pratique illustrée par les contes. Certaines de ses moralités se retrouvent dans les fables d'Esope et de La Fontaine. Les enfants quant à eux intègrent ces valeurs sans les discuter tant qu'ils sont très jeunes.
De la même façon, on note que les proverbes ont leurs racines dans la tradition qui observe, explique et interprète les faits, les règles de la nature, les comportements humains pour exprimer les relations sociales. Ils tirent leur valeur de la société qui élabore elle-même ses règles de conduite et résiste fortement à tout changement.
Les devinettes jouent également un rôle important dans la formation de l'enfant. Elles permettent de tester son niveau d'intelligence. En effet, "la devinette n'est pas un problème qu'on résout à l'aide des données fournies par l'énoncé, car en fait, il n'y a rien à deviner mais à savoir".
L'épopée n'échappe pas à la règle. Longs et envoûtants, souvent ponctués de chants, les récits épiques en exaltant l'action des héros donnent vie à l'histoire d'un peuple, et inculquent à l'enfant les notions de courage et de dévouement à la communauté.
1 -[Africaines]
2 -[Africaines : Les transmetteurs de la tradition orale]
Source : http://www.ifla.org/
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