Les corps, les esprits, la charité (au sens évangélique d'amour de Dieu) n'ont aucune commune mesure entre eux, ces «trois ordres» n'appartiennent à aucun ordre commun. La grandeur d'un savant n'apparaît pas à un riche ni à un capitaine. La grandeur de Jésus Christ est d'un autre ordre que celle d'Archimède. Une distance infinie les sépare, en même temps que «la distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité». La mathématique contribue à ébranler l'homme attaché aux seules certitudes de la raison: qu'on ajoute une unité à l'infini ne l'augmente pas; d'un nombre infini, il est également faux de dire qu'il est pair ou impair; une surface limitée est faite d'une infinité de lignes; un segment double d'un autre ne contient pas plus de points que celui-ci. Toutes ces vérités, plutôt comprises que démontrées, comme le dit Pascal des propriétés dans le Traité du triangle arithmétique, préparent à ne pas rejeter une autre compréhension par sentiment. Et si à ce «libertin» les mathématiques échappent, du moins n'est-il pas étranger aux probabilités lorsqu'il joue; c'est par ce biais qu'on peut l'intéresser à son salut. La raison ne pouvant rien déterminer concernant l'existence de Dieu, il faut «parier»: il ne peut rester indifférent lorsqu'il y va d'une éternité de béatitude. D'autant que, même s'il n'assure pas sa vie future, en pariant sur Dieu, le libertin ne perd rien en cette vie: il fait le choix d'une vie terrestre moins décevante et échappe aux «plaisirs empestés». Il n'y a pas infinité de perte, il y a infinité de gain. Qui ne troquerait le néant contre l'être? Blaise Pascal partage la thèse d'Épictète selon laquelle l'homme est grand par sa pensée, et il souligne avec Montaigne la faiblesse et la fragilité de la raison. L'incohérence et la contradiction de la nature humaine ne peuvent en effet s'expliquer que si on se réfère à la destinée surnaturelle de l'homme, révélée par le Christianisme. L'unique but est donc de coopérer avec Dieu à «incliner le cœur» de l'homme «égaré dans ce coin de l'Univers, sans savoir ce qui l'y a mis, ce qu'il y est venu faire, ce qu'il deviendra en mourant».
1 -[Blaise Pascal]
2 -[Blaise Pascal : Raison et religion]
3 -[Blaise Pascal : Misère et grandeur de l'homme]
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