Kant est une des figures majeures de l'histoire de la philosophie. Sa doctrine embrasse tous les domaines de la pensée et renouvelle entièrement les perspectives de l'anthropologie, de la métaphysique, de la logique, de la morale et de l'esthétique, opérant une véritable «révolution copernicienne». La philosophie critique qu'il inaugure, d'une exceptionnelle densité, constitue toujours l'une des références indispensables de toute culture philosophique.
Portrait Né à Königsberg, en Prusse-Orientale, en 1724, Kant ne s'éloigna jamais de cette ville. Fils d'un modeste artisan sellier d'origine écossaise et d'une mère dont la piété devait marquer son enfance, il fut soutenu dans ses études par un oncle cordonnier. Au collège, puis à l'université, il montra de sérieuses aptitudes pour les sciences, les mathématiques et la philosophie.
Le professeur et l'homme D'abord précepteur chez un pasteur de campagne et dans diverses familles des environs, il enseigna, dès 1755, en qualité de Privatdozent (aspirant-professeur) et, quinze ans plus tard, obtint le titre de professeur titulaire de logique et de métaphysique, grâce à sa Dissertation de 1770, écrite en latin (De la forme et des principes du monde sensible et du monde intelligible). Dès lors, Kant se consacra entièrement, d'une part, à l'élaboration d'une doctrine profondément méditée, dont témoigneront, à partir de la Critique de la raison pure (1781), de grandes œuvres originales et, d'autre part, à un enseignement qu'il dispensera avec exactitude, pendant plus de quarante ans et à raison de cinq heures par jour, jusqu'en 1797, date à laquelle, sentant ses forces décliner, il prit congé de la faculté pour mettre la dernière main à l'un des systèmes les plus vastes et les plus fortement charpentés de toute l'histoire de la philosophie. Cette œuvre était le fruit d'une vie réglée avec minutie. Kantavait lui-même établi son emploi du temps avec une précision d'horloger: «Si j'étais dans le besoin, le dernier objet que je vendrais serait ma montre!» Un de ses familiers, le conseiller von Hippel, en avait même tiré une comédie, l'Homme à la montre (1760). Été comme hiver, invariablement réveillé par son serviteur Lampe à 4 h 55, il buvait deux tasses de thé, fumait sa seule pipe de la journée et s'asseyait à son bureau (qu'il appelait son enclume). À 7 h 45, les jours où il allait à la faculté, il commençait à tourner en rond; à 7 h 50, il mettait son chapeau sur sa tête; cinq minutes plus tard, il prenait sa canne et, au premier coup de 8 heures, il ouvrait la porte de sa voiture, si bien que, comme l'a noté son secrétaire et biographe Jachmann, «il servait véritablement d'horloge à tous les habitants du quartier». L'après-midi, le philosophe faisait sa célèbre promenade, toujours la même, qui durait une heure. On ne le vit, dit-on, que deux fois en quarante ans dépasser la limite où il s'arrêtait d'ordinaire: une fois pour avoir plus tôt un ouvrage de Jean Jacques Rousseau, l'autre fois pour avoir des nouvelles de la Révolution française.
Un esprit encyclopédique L'écrivain et philosophe allemand Johann Gottfried Herder, qui fut l'élève de Kant à Königsberg, avait gardé un souvenir lumineux de son professeur, au sujet duquel il écrivit plus tard qu'en pleine maturité «il avait cette vivacité d'un homme jeune, qu'il a gardée jusqu'à l'âge le plus avancé. Son front dégagé, conformé pour la pensée, était le siège d'une imperturbable et joyeuse sérénité. Il avait toujours en partage l'humour et l'esprit, et son enseignement était l'entretien le plus récréatif qui soit». C'est avec la même assiduité que Kant étudia Leibniz, Wolff, Baumgarten et Hume, les lois naturelles de Kepler, de Newton et les écrits de Jean Jacques Rousseau (Émile, la Nouvelle Héloïse), ainsi que toutes les nouvelles découvertes qui lui parvenaient. Sans parti pris, le philosophe cherchait à approfondir ses connaissances sur la nature et les valeurs morales de l'homme. Il s'intéressait autant à l'histoire des hommes, des peuples et de la nature qu'aux sciences naturelles, aux mathématiques et à l'expérience, sources de son enseignement et de ses entretiens. Sans intérêt pour les intrigues, les célébrités mondaines, les querelles de clans et d'écoles, sans despotisme intellectuel non plus, il sacrifiait tout à la recherche de la vérité: «Il éveillait et contraignait doucement à une pensée autonome.»
1 -[Kant]
2 -[Kant : Les trois questions de la philosophie]
3 -[Kant : La philosophie critique]
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