Originaire d'Espagne, adopté par Antonin le Pieux à la demande d'Hadrien, Marc-Aurèle épousa Faustine la Jeune, la fille de son père adoptif, et régna d'abord conjointement avec son frère adoptif, Lucius Verus (( 169). Son règne, marqué par de nombreuses guerres, contre les Parthes puis contre les Germains, fut assombri par des catastrophes naturelles et des épidémies. Ami d'Hérode Atticus et de Fronton, cet empereur paradoxal (pacifique, il ne cessa de combattre; tolérant, il persécuta les chrétiens) se voulut philosophe et le dernier grand témoin du stoïcisme antique: l'autonomie de l'individu et son appartenance à l'ordre du monde s'expriment dans des Pensées adressées à lui-même, rédigées pour l'essentiel pendant une campagne sur le Danube en 172-173, et qui ont pour origine la pratique de l'examen de conscience empruntée au pythagorisme.
Vie et oeuvre Marc-Aurèle est le dernier grand de la lignée des Antonins, à qui le monde dut la Pax Romana. On l'appelait de son vivant le divin Marc. Il avait déjà sans doute je ne sais quoi de divin quand, alors qu'il n'avait que 17 ans, Hadrien l'a adopté avec l'espoir de lui confier un jour l'empire. Sa bonté était déjà manifeste. Elle lui vaudra d'être le personnage le plus souvent sculpté de toute l'antiquité. Encore récemment on a découvert des statues de lui dans les ruines des cités les plus reculées de l'empire.
On l'aimait. On l'aimait par-delà les sectes et les écoles, les gauches et les droites. Chrétiens et païens eurent chacun leurs raisons de s'attacher à son souvenir même si les nécessités de l'État et de la guerre l'obligèrent parfois à poser à l'endroit des uns et des autres des actes dont il aurait souhaité pouvoir s'abstenir. Cet ami des dieux a trouvé grâce jusqu'aux yeux de Nietzsche qui considérait les Pensées comme le 5ième évangile... Jamais une oeuvre n'aura été aussi éloignée de la littérature et par suite aussi vraie. Ces pensées écrites souvent sous la tente du guerrier, entre deux batailles non souhaitées ou des délations honteuses, ont le poids et la limpidité de l'idée qui engage, qui conduira au succès ou à la paix intérieure si elle est vraie, à l'échec ou au tourment si elle est fausse.
Marc-Aurèle, âme de l'empire, auteur des Pensées est lui-même, en tant que microcosme humain, une image de ce macrocosme au centre duquel il aperçevait une âme.
À l'époque contemporaine, quelques admirateurs de Marc-Aurèle dont Ernest Renan, déplorèrent la faiblesse de son éducation scientifique. Gabriel Germain, auteur d'un ouvrage sur la spiritualité stoïcienne devait répliquer à Renan en une page qui a le mérite de situer parfaitement la cosmologie stoïcienne par rapport à la nôtre. «Il (Renan) a tellement raison qu'il passe à côté de la vraie question. Je ne reprocherai pas aux stoïciens d'avoir donné du cosmos une vision plutôt poétique. C'est preuve qu'ils ont le sens cosmique: le cosmos ne s'aplatit pas sous leurs yeux en tracés géométriques, convergents peut-être ou tout aussi bien divergents. Il est vie, organisme, unité; notre frère par conséquent. Un souffle, chaleur et pensée, circule de cellule en cellule et, de toutes, nous sommes les plus évoluées, les plus réceptives: la "matière grise de l'Univers". Cette pensée enveloppante et pénétrante, en même temps qu'elle nous dépasse de tous côtés, entre en nous; elle est nous, si nous ne sommes pas totalement elle».
Source : Agora
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