Montaigne est le penseur de la quotidienneté: quiconque n'aura pas vécu heureusement chaque jour, et aura attendu le bonheur pour le lendemain, aura mal vécu. Le principe du vrai bonheur est en dedans de soi, non en dehors. Et Montaigne, en un siècle d'atroces guerres civiles et d'intolérance, a su mener le combat pour être soi-même, et le gagner. Une formation humaniste Michel Eyquem de Montaigne est né le 28 février 1533, rue Rousselle à Bordeaux . Son père, Pierre Eyquem, issu d'une lignée de négociants bordelais ayant accédé à la noblesse en achetant la Terre de Montaigne en Périgord, a combattu en Italie, et, après son mariage avec Antoinette de Louppes, se consacre à la gestion de ses terres et à l'administration de la ville de Bordeaux: il en est maire adjoint en 1547, puis maire en 1554. L'enfant reçoit une éducation poussée: d'abord à Montaigne, où son père fait venir des précepteurs qui lui enseignent le latin. À six ans, il entre au collège de Guyenne, haut lieu de l'humanisme bordelais, où il apprendra le français, le grec, la rhétorique et le théâtre. On ne sait si c'est à Toulouse ou à Paris qu'il poursuit, probablement entre 1546 et 1554, les études de droit indispensables à ses activités futures: en 1557, on retrouve le jeune Montaigne conseiller à la cour des aides de Périgueux, qui sera ensuite réunie au parlement de Bordeaux. Il y exercera treize ans ses fonctions, qui lui vaudront plusieurs missions à la cour de France. L'amitié de La Boétie C'est aussi au parlement de Bordeaux que Montaigne rencontre Étienne de La Boétie, dont il avait déjà pu estimer le Contr'un ou Discours de la servitude volontaire, écrit vers 1549. La conformité d'humeur et de pensée des deux hommes en fait bientôt des amis inséparables. Mais, hélas! Étienne de La Boétie meurt de la peste le 18 août 1563, veillé par Montaigne. Celui-ci s'occupera activement de la publication des œuvres de La Boétie, tandis que son propre besoin d'écrire trouve en grande partie son origine dans ce deuil irréparable, dont porte un poignant témoignage l'essai 28 du livre «De l'amitié». À travers les guerres de Religion
Dans les troubles des premières guerres de Religion, famille, ville, parlement sont partagés. Montaigne, souvent en mission à la cour, voit la situation se dégrader sous l'action brutale de Monluc. Michel Eyquem est le troisème fils de la famille, a la mort de ses deux frères aînés, Montaigne obtient le droit d'ainesse. Par testament son père lui offrit la gestion du domaine de Montaigne qu'il fit agrandir par des achats de terres jusqu'à obtenir une supercie de 350 hectares soit au environ de 60 métairies. Il épouse Françoise de La Chassaigne, fille du président du parlement, et, en septembre 1570, décide de se retirer. Il résilie ses charges et ne se consacre plus qu'à l'administration de son domaine, et surtout à l'écriture des Essais: les premières activités littéraires – traduction (à la demande de son père) de la Théologie naturelle de Raymond de Sebond, puis travail autour des œuvres de La Boétie – ont fait place à la création, accompagnée de lectures assidues. Il semble que la première moitié des Essais ait été écrite de 1572 à 1574, pour être complétée jusqu'en 1580. On ne sait si Montaigne participa personnellement aux guerres durant cette époque. Mais, pour un homme retiré, Montaigne a un réseau de relations vaste et puissant: le roi de France, Henri III, dont il est gentilhomme ordinaire de la Chambre et qui le fera chevalier de l'ordre du Saint-Esprit en 1579; Henri de Navarre (futur Henri IV, dont Montaigne sera également gentilhomme de la Chambre), sa femme Marguerite de Valois, qui est peut-être la destinataire de l'Apologie de Raymond Sebond; Diane de Gramont, dite la Belle Corisande, dédicataire des sonnets de La Boétie et, plus tard, maîtresse de Henri IV; la famille des Foix-Candale, dont Diane de Burson, destinataire de l'essai «De l'institution des enfants». Paris, l'Allemagne et l'Italie Tout juste après avoir retiré des presses ses Essais, en juin 1580, Montaigne, accompagné de son plus jeune frère, passe par Paris afin de présenter son livre à Henri III, avant d'effectuer un long voyage européen, justifié par les soins à donner à la «maladie de la pierre»: Montaigne souffre de calculs vésicaux depuis 1578. De ville d'eaux en ville d'eaux – Plombières, Baden – son voyage le mène aussi à Augsbourg et à Munich. Arrivé en Italie dès octobre 1580, il séjourne cinq mois à Rome. Le pape veut bien accepter les Essais, quoique plusieurs réserves soient faites par les cardinaux. Entre avril et juin 1581, Montaigne flâne; et c'est aux eaux de Lucques qu'il reçoit une lettre des jurats de Bordeaux, qui lui annoncent son élection comme maire. À son retour, en novembre, une lettre du roi confirme sa nomination.
1 -[Montaigne]
2 -[Montaigne : Le maire de Bordeaux]
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