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Développements du judaïsme


Judaïsme : Développements du judaïsme

L'apparition, en des temps très anciens, de la croyance en l'unicité de Dieu fut une innovation surprenante dans l'évolution des civilisations, et elle reste une énigme pour l'historien.

Patriarches et prophètes du judaïsme

Alors que les érudits du XIXe siècle concevaient une évolution tardive du polythéisme au monothéisme, la conviction actuelle est celle d'un monothéisme déjà ancré au temps de Moïse, au XIIIe siècle avant J.-C. Dans les récits bibliques, les patriarches Abraham, son fils Isaac et le fils de celui-ci, Jacob, eurent la Révélation du Dieu unique et vrai, qui promettait de protéger les tribus d'Israël. Des douze fils de Jacob, qui s'appelait aussi Israël, descendent les douze tribus. Elles partageaient le souvenir de l'esclavage en Égypte, de la libération par Moïse et de l'alliance. L'acte religieux était alors le sacrifice, et il se pratiquait en tout lieu. Les patriarches sacrifiaient eux-mêmes, car il n'existait pas de prêtre. La religion juive fut préservée grâce aux efforts soutenus des prophètes et à la particularité de ses règles. Les commandements juifs ne se retrouvent, en effet, dans nulle autre religion du Proche-Orient.La confédération des tribus fut remplacée par un royaume sous les rois Saül et David, et l'édification du premier Temple de Jérusalem favorisa l'unification spirituelle, qui subsista au-delà du partage entre royaume d'Israël et royaume de Juda, à la mort du roi Salomon.Les prophètes exercèrent une influence déterminante sur toute l'histoire d'Israël. Depuis le prophète Samuel, au Xie siècle avant J.-C., de simples devins, ils devinrent peu à peu des chefs du peuple, parlant au nom de Dieu (le mot hébreu pour prophète est navi, «porte-parole»). Ils mettaient en garde contre un désastre national si les valeurs religieuses et morales n'étaient pas observées avec rigueur. Ils sont probablement à l'origine du mouvement réformateur mené par le roi Josué, fondé sur les dix commandements. Il abolissait tous les sanctuaires locaux, et le sacrifice perdit de son importance dans la vie quotidienne. Le sacrifice par le feu (holocauste) eut désormais lieu dans le seul Temple de Jérusalem, devant l'espace sacré et interdit situé au-delà de l'autel, le saint des saints. Des prêtres, descendants d'Aaron, frère de Moïse, en furent alors chargés. Quatre siècles plus tard environ, l'institution de la synagogue vint combler le vide créé par la disparition des sanctuaires. Ce sont les prophètes postérieurs, surtout Amos, au VIIIe siècle avant J.-C., qui expriment les idéaux prophétiques dans tout leur éclat. Ils exigeaient la justice sociale, de stricts principes d'humanité, et critiquaient sans égards les prêtres et les puissants.

L'Exil au carrefour des influences

La chute des deux royaumes et la captivité en Babylonie (586-538 avant J.-C.) furent ressenties comme l'expiation de l'idolâtrie, de l'injustice et de la guerre, don’t Israël s'était rendu coupable, et comme la confirmation des prophéties. Mais les prophètes apportaient aussi un message d'espoir, promettant la restauration nationale après l'épreuve.Les exilés qui regagnaient leur pays organisèrent le renouveau du centre de la Palestine et la construction du second Temple. Les grands prêtres jouaient généralement le rôle de représentants officiels auprès des gouvernements étrangers sous l'autorité desquels les Juifs étaient contraints de vivre. Ce rôle contribua à les discréditer. Le Conseil des sages (sanhédrin), au contraire, était une haute et respectable institution, chargée de veiller à l'application de la Loi, d'en fixer les interprétations et de trancher les questions difficiles. Selon le Talmud, le Grand Sanhédrin était très modéré, et opposé à la peine de mort.La Torah prit sa forme définitive au milieu du Ve siècle avant J.-C. Acceptée comme règle de vie, elle fixait les différents rites et fêtes, notamment le Grand Pardon. Vint ensuite le temps des livres de sagesse, don’t un grand nombre furent repris dans la Bible: Job et la question tragique de la souffrance du juste, les Proverbes et le sceptique Ecclésiaste.Certains éléments de la religion perse furent intégrés au Judaïsme. Ainsi apparurent, dans des textes visionnaires appelés apocalypses, d'une part une doctrine des anges plus élaborée et la figure de Satan, d'autre part un système de croyances en la fin des temps où figuraient un plan prédéterminé pour l'histoire du monde, un Jugement dernier et la résurrection des morts. Mais aucune des apocalypses ne figure dans la Bible juive, à l'exception du Livre de Daniel.À la suite des conquêtes d'Alexandre le Grand, la Judée, royaume de Juda, passa sous la tutelle des Égyptiens, puis des Syriens. Sous ces souverains hellénistiques, la vie des juifs changea, tant en Palestine que dans la Diaspora («dispersion» du peuple juif) croissante. De nouvelles formes de Judaïsme virent le jour à Alexandrie. La Septante (la Bible grecque) fut la première parmi d'innombrables traductions. La grande œuvre d'explication de la Torah de Philon d'Alexandrie, au Ier siècle après J.-C., vint couronner ce mouvement. Les coutumes grecques influencèrent aussi la communauté de Palestine, et l'importance de l'étude chez les juifs relève probablement en partie de cette influence.Mais, si de nombreux juifs étaient attirés par les coutumes et les modes de pensée païens, la majorité d'entre eux y résistèrent. Ainsi, la tentative du roi syrien Antiochos IV d'imposer la religion grecque par la force suscita une rébellion ouverte, menée par les Maccabées, famille sacerdotale juive. Un mouvement de prosélytisme juif se developpa même pendant la brève période d'indépendance de la Judée, sous les Maccabées. Malgré son apparente absence d'organisation, il fut vigoureux, et de nombreuses personnes adoptèrent officiellement le Judaïsme ou le pratiquèrent de façon officieuse.

Une puissante patrie… en esprit

L'action politique des derniers Maccabées détourna une majorité de leurs sujets, et, après la conquête par les Romains en 63 avant J.-C., le pouvoir réel fut de plus en plus souvent exercé par des laïcs pieux et lettrés, les pharisiens (les «séparés»). Dans un esprit démocratique, ils cherchèrent à adapter les lois de la Torah aux besoins nouveaux, en s'appuyant sur des traditions populaires anciennes (Loi orale), qu'ils développèrent par la méthode libre de la midrash, exégèse linéaire des Écritures. Leurs opposants, les sadducéens, étaient pour la plupart issus de l'aristocratie et de la prêtrise. Traditionalistes en matière religieuse, ils interprétaient les textes sacrés de façon stricte, négligeant la tradition orale et les coutumes populaires, et rejetant le dogme de la résurrection. Mais la majorité des juifs suivit les pharisiens, et le Judaïsme fut, dès lors, entièrement empreint de pharisaïsme.Parmi les divers partis, seuls les esséniens méritent, en fait, le sens moderne du mot «secte». La découverte révolutionnaire, à partir de 1946, des manuscrits de la mer Morte nous apprend qu'ils formaient un véritable ordre religieux, exigeant le célibat et la communauté des biens.La tragique révolte contre Rome en 66-70 après J.-C. et la seconde destruction du Temple furent un grand choc. Mais leur religion – avec la Torah essentiellement – était alors assez forte pour tenir lieu de patrie pour les juifs. Les rabbins (sages), successeurs des chefs pharisiens, rassemblèrent les juifs autour de la synagogue et des établissements d'enseignement. Ils donnaient des conseils en chaque occasion de la vie, d'après les justes interprétations des textes. Au terme de siècles d'efforts, ils formèrent une communauté disciplinée et fidèle.Les premiers chrétiens différaient essentiellement des autres juifs en ce qu'ils croyaient que Jesus était le Messie. Mais, sous la conduite de saint Paul, entre autres, les non-juifs chrétiens prirent rapidement de l'importance, et le schisme entre les deux religions devint définitif. Quand l'Empire romain adopta le Christianisme comme religion officielle au Ive siècle après J.-C., les juifs furent soumis à de nombreuses lois discriminatoires, telle l'interdiction de rechercher, voire d'accepter, des convertis.Au Ive siècle, le rôle du centre d'étude de Babylone devint si important en matière religieuse et juridique que le Talmud de Babylone fut considéré comme l'autorité majeure dans l'interprétation de la Loi. Dès lors, la direction de la communauté juive mondiale resta entre les mains des érudits de Babylone, et les gaons, dirigeants d'établissements d'enseignement supérieur, donnaient des informations et des avis, notamment sur des questions juridiques, aux communautés de toute la Grande Diaspora, nouvelle dispersion due à l'abolition du royaume d'Israël.Au VIIIe siècle, la secte karaïte rejeta la tradition et l'autorité rabbinique pour vivre selon la lettre de la Loi. Si elle maintint pendant quatre siècles une activité soutenue, cette secte ne compte aujourd'hui qu'un petit nombre de membres.

Intellectuels et mystiques juifs

Alors que, vers l'an 1000 après J.-C., le centre de Babylone était déjà en déclin, de nouveaux centres de culture juive apparurent en Afrique du Nord et en Espagne musulmane. On distingue, à cette date, deux groupes aux coutumes fortement distinctes, les Séfarades, juifs d'Espagne et des communautés orientales, et les Ashkénazes, juifs de l'Europe chrétienne, notamment orientale. Sous des souverains tolérants, les érudits séfarades participèrent activement à la renaissance de la culture arabe. Ils rédigèrent de célèbres commentaires de la Bible et du Talmud, entre autres écrits littéraires et scientifiques. L'Espagnol Maimonide fut le plus grand théologien juif du XIIe siècle. Il conciliait la théologie et la philosophie d'Aristote, appuyant la religion sur les vertus de l'intelligence et de la morale. Il avait la faveur des savants chrétiens et musulmans, mais le peuple ne lui portait aucun intérêt et de nombreux chefs orthodoxes considéraient ces nouvelles doctrines comme subversives.De très violentes persécutions, de la part des musulmans comme des chrétiens (l'Inquisition), accablèrent bientôt les juifs d'Espagne. Leur besoin de réconfort était tel que la religion et la philosophie traditionnelles ne pouvaient l'épuiser. On comprend ainsi la grande et durable influence de la kabbale («tradition»), qui recouvrait diverses doctrines et pratiques mystiques, et qui offrait seule une consolation. Ces mouvements connurent leur apogée aux XIIIe et XIVe siècles dans le sud de la France et le nord de l'Espagne. Outre une expérience mystique authentique, les nombreux systèmes kabbalistiques présentent des éléments mythologiques, magiques et messianiques, des réinterprétations de la Bible, ainsi que des prières et des commandements – le meilleur d'entre eux est le remarquable Zohar («splendeur») de Moïse de León (XIIIe siècle).Les communautés ashkénazes d'Europe centrale et d'Europe de l'Est, moins actives intellectuellement, mais intensément religieuses, détenaient un savoir talmudique inégalé.Les érudits français introduisirent un certain nombre de nouvelles lois destinées à améliorer le statut de la femme, notamment l'interdiction formelle de la polygamie. Mais l'esprit le plus brillant fut Rashi (1040-1105), le célèbre «rabbin-vigneron de Troyes» (en Champagne) don’t les commentaires accompagnent, jusqu'à nos jours, pratiquement toutes les éditions de la Bible ou du Talmud.Contemporain d'un renouveau de la vie juive en Palestine, qui ne trouva cependant pas d'issue politique, l'élan mystique du XVIIe siècle influença profondément la pensée et la liturgie. Une nouvelle kabbale développa ses spéculations messianiques, et les pogroms juifs de Pologne, en 1648, agirent comme des détonateurs.En 1665, lorsque le Juif turc Sabbatai Zevi se déclara Messie, des milliers de croyants quittèrent leurs foyers pour le rejoindre en Palestine. Mais Sabbatai, menacé, se convertit à l'islam, provoquant un désespoir généralisé. Pourtant, un nombre important de juifs, qui justifiaient même, selon la kabbale, la conversion de leur chef et attendaient son retour triomphal, animèrent un mouvement sabbatéen durant plus d'un siècle.Un mouvement mystique plus positif vit le jour en Europe de l'Est au XVIIIe siècle. Fondé par Baal Shem Tov, il est connu sous le nom de hassidisme (de hasid, sorte de dévot dans les Psaumes). Ses chefs étaient versés dans les mystères de la kabbale et s'adressaient au peuple, lui enseignant une foi simple et joyeuse, et l'incitant à exprimer ses sentiments religieux par des danses et des chants dans des transports de joie. Combattu à l'origine comme hérétique, le hassidisme a survécu et est considéré aujourd'hui comme la parfaite Orthoxie. Décimé par les nazis, et critiqué parce qu'il favorisait le culte de la personnalité, ce mouvement connut un déclin passager. Le hassidisme semble avoir repris de la vigueur dans certaines villes américaines et en Israël.


  
  
  
  
  



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