Patrimoine  Mondial  de la pensée

Reconnaissance et expansion du protestantisme


Protestantisme : Reconnaissance et expansion du protestantisme

La seconde révolution anglaise est moins audacieuse, mais elle instaurera un État plus stable. Elle apporte notamment à l'Angleterre le parlementarisme et une loi sur la tolérance (1689) qui permet plusieurs pratiques religieuses différentes au prix de certaines restrictions civiles. Au XVIIIe siècle, Voltaire pourra s'extasier: «Un Anglais – homme libre – va au ciel par le chemin qui lui plaît.» Le revers de la médaille est la progressive colonisation anglaise et protestante en Irlande.

Le protestantisme américain

Dès 1620, les Pères Pèlerins, puritains anglais réfugiés en Hollande, ont traversé l'Atlantique à bord du Mayflower. Ils fondent, en Amérique, New Plymouth et sont rejoints, à partir de 1630, par une seconde vague d'émigration puritaine. Ils ont tendance à justifier les spoliations qu'ils font subir aux Indiens par une lecture messianiste de la Bible. Si leur congrégationalisme induit une pratique religieuse prédémocratique (élection du pasteur, absence de hiérarchie), la répression religieuse n'en est pas absente (procès de sorcellerie à Salem, 1692). Mais un des leurs, Roger Williams (1603-1683), tente, dans le Rhode Island, la première véritable tentative moderne de séparation de l'Église et de l'État. Un quaker, William Penn (1644-1718), crée la Pennsylvanie, où divers dissidents peuvent trouver refuge.


L'effervescence religieuse de l'Amérique anglaise diminue à la fin du XVIIe siècle. Mais au milieu du siècle suivant a lieu le Grand Réveil, la naissance d'une identité américaine. Beaucoup de fils de prédicateurs revivalistes s'engagent dans la révolution américaine. Entre-temps, ils auront été influencés par les Lumières européennes. Cette double inspiration se retrouve aussi dans les Déclarations américaines des droits de l'Homme, qui précèdent d'une dizaine d'années la Déclaration française de 1789.

Les protestants en France


En France, les protestants avaient obtenu, par l'édit de Nantes (1598) accordé par Henri IV, une liberté de culte tout à fait consistante pour l'époque. Mais il s'agissait d'un acte royal qui ne s'accompagnait pas d'une évolution réelle des esprits vers la tolérance. À partir de 1660, cet édit est progressivement démantelé (destruction de temples, enlèvements d'enfants, etc.). Il est révoqué par Louis XIV, en 1685, et s'accompagne de conversions forcées provoquées par des dragonnades, notamment dans les Cévennes. Les derniers temples sont détruits, les pasteurs chassés du territoire. De plus, on interdit aux protestants d'émigrer et on les oblige à se comporter, désormais, en «nouveaux catholiques» (baptême, mariage et extrême-onction catholiques deviennent obligatoires, sous peine d'emprisonnement, de condamnations aux galères, voire à mort). Quelques centaines de milliers de protestants quittent clandestinement le royaume. Ces «huguenots du refuge» contribueront au développement de la Prusse et formeront, en Hollande, un milieu intellectuel propice à l'éclosion des Lumières. En France même, le soulèvement des camisards puis la résistance pacifique des assemblées (clandestines) du Désert viendront à bout de l'absolutisme royal. En 1787, un édit de Louis XVI reconnaît, de fait, l'existence de protestants en France, sans leur accorder cependant la liberté de culte. Celle-ci sera proclamée, quatre ans plus tard, par la Révolution.
À partir du XIXe siècle, le protestantisme devient véritablement une religion mondiale, grâce à l'action de ses missions. En Afrique et en Océanie, des populations entières se convertissent. Ainsi, au Lesotho (Afrique du Sud), à Madagascar, à Tahiti, en Nouvelle-Calédonie, dans les anciens territoires allemands du Cameroun et du Togo, etc., des Églises sont constituées, issues de la mission protestante française. En Asie, notamment en Chine, les résultats sont beaucoup moins probants.
L'œuvre des missions protestantes comporte une dimension éducative (école et traduction de la Bible en langue vernaculaire, faisant souvent accéder cette langue à l'écrit), médicale (symbolisée, par exemple, par le nom d'Albert Schweitzer), socio-économique (développement de l'exportation des matières premières pour combattre le commerce des esclaves). Cependant, le travail missionnaire a aussi été contesté, pendant la seconde moitié du Xxe siècle, car il a été en partie lié à la colonisation.

Le dialogue œcuménique

En même temps qu'il réalisait une extension mondiale, le protestantisme s'interrogeait sur son morcellement. Des sortes d'internationales protestantes, lieux de rencontre et d'action commune entre des protestants de divers pays, se constituent. Elles sont confessionnelles (Alliance réformée mondiale, 1875; Alliance baptiste mondiale, 1905) ou interconfessionnelles (Alliance évangélique universelle, 1846; Unions chrétiennes de jeunes gens – les célèbres YMCA ou YWCA anglo-saxonnes, 1844; Fédération universelle des étudiants chrétiens, 1895, etc.). Par ailleurs, en 1910, une conférence mondiale des missions (protestantes) se tient à Édimbourg et elle about it à la création d'un Conseil international des missions.
La prise de conscience de l'ampleur du «monde non chrétien» et les défis entraînés par la sécularisation, voire la laïcisation, des sociétés occidentales favorisent, chez certains protestants, le dialogue et le rapprochement entre toutes les Églises chrétiennes. Des autorités protestantes prennent des contacts en ce sens, mais elles se heurtent à un refus poli du Vatican (1914), qui se transformera, en 1928, en une condamnation de leur entreprise. Les Églises orthodoxes se montrent plus réceptives, mais l'instauration du régime soviétique en Russie limite les contacts.
Deux mouvements œcuméniques regroupent, dans l'entre-deux-guerres, des Églises protestantes et quelques Églises orthodoxes . Le Mouvement du Christianisme pratique, créé à Stockholm en 1925, veut unir les chrétiens et démontrer la validité du Christianisme dans la lutte pour une société plus pacifique et plus égalitaire. Le mouvement Foi et constitution, fondé à Lausanne en 1927, se préoccupe d'un rapprochement doctrinal et des questions de structures ecclésiastiques. Durant la Seconde Guerre mondiale, ces deux mouvements aident les protestants qui résistent au nazisme ou en sont les victimes. En 1948, ils fusionnent lors de l'assemblée constitutive du Conseil œcuménique des Églises (Amsterdam).
En 1961 (Assemblée de New Delhi), l'orthodoxie russe et celle des pays de l'Est rejoignent le Conseil œcuménique, qui comprend aussi désormais les Églises du tiers-monde issues des missions protestantes. Le concile Vatican II reconnaît le caractère chrétien du protestantisme et encourage le dialogue œcuménique.



Facteur important de l'émergence de la modernité occidentale, le protestantisme s'insère aujourd'hui dans un nouvel universalisme pluriculturel et évolue de façon diversifiée suivant les contextes géographique, culturel et confessionnel.


  
  
  


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