6.
1
Le maître de l'éternité est le premier Dieu, le monde est le second, l'homme est le troisième. Dieu, créateur du monde et de tout ce qu'il contient, gouverne tout cet ensemble et le soumet au gouvernement de l'homme. Celui-ci en fait l'objet de son activité propre, de sorte que le monde et l'homme sont l'ornement l'un de l'autre, et c'est avec raison que le monde en grec s'appelle κόσμος. L'homme se connaît et connaît le monde ; il doit donc distinguer ce qui est en rapport avec lui, ce qui est à son usage et ce qui a droit à son culte; en adressant à Dieu ses louanges et ses actions de grâces, il doit vénérer le monde, qui en est l'image, et se souvenir que lui-même est la seconde image de Dieu; car Dieu a deux images, le monde et l'homme. La nature de l'homme étant complexe, cette part de lui qui se compose d'âme, de sentiment, d'esprit et de raison, est divine, et des éléments supé-sieurs semble pouvoir monter au ciel ; tandis que la partie cosmique, mondaine, formée de feu, d'eau, de terre et d'air, est mortelle et reste sur la terre, afin que ce qui est emprunté au monde lui soit restitué. C'est ainsi que l'humanité se compose d'une partie divine et d'une partie mortelle, le corps. La règle de cet être double, qui est l'homme, est la religion, qui a pour conséquence la bonté. La perfection est atteinte quand la vertu de l'homme le préserve des désirs et lui fait mépriser tout ce qui lui est étranger. Car les choses terrestres, dont le corps désire la possession, sont étrangères à toutes les parties de la divine pensée. On peut les appeler des possessions, car elles ne sont pas nées avec nous, elles ont été acquises plus tard. Elles sont donc étrangères à l'homme, et le corps lui-même nous est étranger, de sorte qu'il faut mépriser et l'objet du désir et ce qui nous rend accessibles au désir.
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Donner à la raison la direction de l'âme, tel est le devoir de l'homme afin que la contemplation du divin lui fasse prendre en mépris et en dédain cette partie mortelle qui lui a été unie pour la conservation du monde inférieur. Pour que l'homme fût complet dans ses deux parties, remarque que chacune d’elles possède quatre subdivisions binaires, les deux mains et les deux pieds, qui, ave les autres organes du corps, le mettent en rapport avec le monde inférieur ou terrestre; et, d’autre part, quatre facultés: le sentiment, l’âme, la mémoire et la prévoyance, qui lui permettent de connaître et de percevoir les choses divines. Il peut donc embrasser dans ses investigations les différences, les qualités, les effets, les quantités. Mais s’il est trop entravé par le poids du Corps, il ne peut pénétrer la véritable raison des choses.
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Quand l’homme, ainsi formé el constitué, ayant reçu pour fonction du Dieu suprême le gouvernement du monde et le culte de la divinité, s’est bien acquitté de cette double tâche et a obéi à la volonté divine, quelle doit être sa récompense? Car si le monde est l’œuvre de Dieu, celui qui, par ses soins, en entretient et eu augmente la beauté, est l’auxiliaire de la volonté divine, employant son corps et son travail de chaque jour au service de l’œuvre sortie des mains de Dieu. Quelle peut être sa récompense, si ce n’est celle qu’ont obtenue nos ancêtres? Qu’il plaise à la bonté divine de nous l’accorder aussi; tous nos vœux et toutes nos prières tendent à l’obtenir; puissions-nous, délivrés de la prison du corps et de nos chaines mortelles, être rendus, purs et sanctifiés, à la partie divine de notre nature.
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ASCLÈPIOS : Ce que tu dis est juste et vrai, ô Trismégiste. Tel est le prix de la piété envers Dieu, des soins donnés à l'entretien du monde. Mais le retour au ciel est refusé à ceux qui ont vécu dans l'impiété; une peine leur est imposée à laquelle échappent les âmes saintes : la migration dans d'autres corps. La suite de ce discours nous amène, ô Trismégiste, à l'espérance d'une éternité future de l'âme, conséquence de sa vie dans le monde. Mais cet avenir est difficile à croire pour les uns, pour les autres c'est une fable, pour d'autres peut-être un sujet de moqueries. Car c'est une douce chose que de jouir de ce qu'on possède dans la vie corporelle. Voilà le mal qui, comme on dit, tourne la tête à l'âme, l'attache à sa partie mortelle, l'empêche de connaître sa partie divine et lui envie l'immortalité. Car, je te le dis par une inspiration prophétique, nul après nous ne choisira la voie simple de la philosophie, qui est tout entière dans l'application à la connaissance du divin et dans la sainte religion. La plupart l'égarent dans des questions différentes. Comment donc y rattachent-ils une philosophie qui ne doit pas y être comprise, ou comment y mêlent-ils des questions diverses?
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HERMÈS : Ο Asclèpios, ils y mêlent, à force de subtilités, diverses sciences qui n'y sont pas comprises, l'arithmétique, la musique, la géométrie. Mais la pure philosophie, dont l'objet propre est la divine religion, ne doit s'occuper des autres sciences que pour admirer les phases régulières des astres, leurs positions et leurs courses réglées par les nombres. Qu'elle admire aussi les dimensions de la terre, les qualités, les quantités, la profondeur de la mer, la puissance du feu, et connaisse les effets de toutes ces choses et la nature; qu'elle adore l'art, et l'ouvrier et sa divine intelligence. Quant à la musique, on la connaît quand on connaît la raison et la divine ordonnance des choses. Car cet ordre qui classe chacune d'elles dans l'unité de l'ensemble est vraiment un admirable concert et une divine mélodie.
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ASCLÈPIOS : Que seront donc les hommes après nous?
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HERMÈS : Trompés par les subtilités des sophistes, ils se détourneront de la vraie, pure et sainte philosophie. Adorer la divinité dans la simplicité de la pensée et de l’âme, vénérer ses œuvres, bénir sa volonté qui seule est la plénitude du bien, voilà la seule philosophie qui ne soit pas viciée par l'inutile curiosité de l'esprit. C'en est assez sur ce sujet.
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