Une philosophie au-delà des castes Sur les routes de l'Inde, dans l'ashram (ermitage) d'Ahmadabad et dans les prisons, le gandhisme s'élabore. Fondé sur l'expérimentation de la libération intérieure, au moyen du jeûne et de la purification, il n'est pas pourtant un simple mysticisme. Le Mahatma veut agir sur le monde: au-delà de la résistance à l'oppression, par les voies éprouvées de la non-violence et de la satyagraha, il désire également remédier aux abus propres à la société indienne, tout particulièrement à l'intouchabilité. Exclus de la hiérarchie des castes, les «intouchables» sont considérés comme tellement impurs qu'on leur assigne les tâches les plus dégradantes (vidanges, dépeçage des animaux); ils vivent généralement en dehors des villes et des villages, en des lieux réservés, dans une misère extrême. Pour Mohandas Gandhi, cette exclusion est une tare intolérable que l'hindouisme primitif ne connaissait pas. Les intouchables sont à ses yeux des harijans («enfants de Dieu») comme les autres êtres humains: il les fait admettre, non sans mal, dans son propre ashram, révolutionnant ainsi des habitudes ancestrales.
Le gandhisme et ses objectifs Que propose Mohandas Gandhi? Une pauvreté libératrice et une vie proche de la nature, l'entente des communautés religieuses, l'abolition de l'intouchabilité, l'autonomie économique des villages, l'instruction de la population et l'émancipation des femmes. En somme, un idéal de petits producteurs autosuffisants appliquant des règles de vie simples et fraternelles, sans rôle économique de l'État: un mélange d'idées conservatrices et de principes novateurs.
Le «Père de la nation» La marche du sel En 1928, la satyagraha reprend; 90 000 paysans refusent l'augmentation des impôts; violence et terrorisme s'accroissent alors que la crise de 1929 touche durement l'Empire. Le vice-roi, lord Irwin, promet une conférence, dite de la Table ronde, en vue de conduire l'Inde vers un éventuel statut de dominion. Au Congrès, certains demandent une déclaration immédiate d'indépendance et l'entrée dans la lutte violente contre le colonisateur. Mohandas Gandhi obtient un répit. Il semble hésiter sur le choix des moyens d'action. Soudain, le 12 mars 1930, il entreprend avec une poignée de disciples une longue marche destinée à marquer le refus de la taxation anglaise sur le sel. Pendant vingt-quatre jours et au long de 350 km, la «marche du sel» est suivie par une foule toujours plus nombreuse de villageois, de journalistes et d'intellectuels. Au bout, la mer: Mohandas Gandhi, imité par des milliers de personnes, ramasse une poignée de sel. Il devient célèbre dans le monde entier.
Le jeûne unificateur De nouveau emprisonné, il est néanmoins invité à la deuxième conférence de la Table ronde, qui se tient à Londres en 1931. Vêtu d'un simple pagne et d'un châle, il séduit le petit peuple de la capitale anglaise, mais agace Churchill. La conférence échoue à cause des divisions, entretenues par les Britanniques, entre les communautés religieuses indiennes. Sur le chemin du retour, Mohandas Gandhi séjourne à Paris puis en Suisse, où il rencontre son biographe Romain Rolland, et en Italie, où il croise Mussolini. La Grande-Bretagne revient à une ligne dure; les dissensions entre communautés s'aggravent. Mohandas Gandhi est de nouveau jeté en prison; il y apprend, en août 1932, que le projet de Constitution prévoit d'instituer des régimes électoraux séparés, non seulement pour les différentes religions, mais aussi pour les intouchables. En effet, leur représentant, le Dr Ambedkar, violemment antihindou, a préféré négocier avec les Anglais. Pour enrayer ce processus de désunion du peuple indien, Mohandas Gandhi décide de jeûner jusqu'à mettre sa vie en danger. Commencé le 20 septembre 1932, le «jeûne épique» se termine une semaine plus tard; Mohandas Gandhi a bien failli mourir, mais un phénomène extraordinaire s'est produit: les temples ont été ouverts aux intouchables, des femmes des différentes castes ont accepté publiquement la nourriture de leurs mains. Un pacte est conclu entre hindous et harijans.
La relève politique: Nehru Mohandas Gandhi, devenu par son formidable charisme le «Père de la nation», s'éloigne du combat politique: le relais est pris au début des années 1930 par de jeunes militants nationalistes, Nehru en particulier, influencés par le marxisme et l'école socialiste anglaise des fabiens. Nehru vénère sincèrement Gandhi, mais tous deux défendent des conceptions radicalement différentes: le Mahatma veut un monde de petits producteurs fraternels vivant dans des villages, Nehru ambitionne, pour résorber la misère, d'industrialiser et de développer économiquement l'Inde de demain.
1 -[Gandhi]
2 -[Gandhi : La redécouverte de l'Inde]
3 -[Gandhi : Remodeler la société indienne]
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