Promeneur solitaire, Jean-Jacques Rousseau pense et marche, laissant sa pensée se développer dans la nature qu'il parcourt, se construire face à la société qu'il fuit et dont il craint le pire; en quête perpétuelle d'un repos impossible, son esprit s'enflamme, sensible et passionné, rigoureux et martial; ne pouvant proposer au monde autre chose qu'une rupture radicale, il s'en verra rejeté et renvoyé à son moi, à ses larmes et à son austère vertu. C'est à Genève, république indépendante, aux citoyens austères, calvinistes et fiers de leurs prérogatives, que Jean-Jacques Rousseau vient au monde. Il est né le 28 juin 1712 sous le signe de la musique et du rythme par son père Isaac, horloger, violoniste et maître de danse, sous celui de la sensibilité et du tragique par sa mère, Suzanne, qui meurt en le mettant au monde. Jean-Jacques Rousseau enfant seconde son père dans le culte qu'il voue à la défunte; avec lui, aussi, il fait l'apprentissage de la lecture, dans des romans surtout, jusqu'à ce qu'Isaac soit contraint de quitter Genève, sans pouvoir emmener son fils: le monde préservé s'effondre. Fuites et voyages Élevé dès l'âge de dix ans auprès du ministre du culte Lambercier,Jean-Jacques Rousseau apprend l'injustice des fessées non méritées; en étudiant chez un huissier, à douze ans, il sait qu'il ne sera pas clerc; en apprentissage chez un graveur, il s'échappe à quinze ans pour une première errance. Décidé à se convertir à la religion catholique, il est recommandé à Annecy auprès de Mme de Warens: il l'appellera «maman». Cette jeune femme l'envoie très vite à l'hospice des catéchumènes de Turin pour y être baptisé. Après avoir été, sans succès, secrétaire de quelques dames de la ville italienne, il repart sur les routes, enfin hors de la ville, en rupture. Encore un essai avorté, le séminaire, qu'il abandonne, et une passion qui le tient: la musique. Il ne restera pas non plus à la maîtrise de la cathédrale d'Annecy, mais continuera à chanter et à composer. Nouvelles routes, nouveaux voyages, en 1730-1731, pour enfin rejoindre Paris, en être infiniment déçu (on ne lui propose qu'une place de valet), et revenir auprès de «maman», près de Chambéry, qui l'accueille dans son cénacle, en 1733. De pseudo-mère elle devient maîtresse, pour quatre années: en 1737, elle délaisse Jean-Jacques Rousseau pour un autre, tout en lui laissant sa propriété, les Charmettes, avec sa bibliothèque. De Lyon au Paris des Lumières Solitude, lectures de toutes sortes: philosophie, romans – l'Astrée –, traités de mathématiques, le jeune homme dévore les ouvrages. Installé pour un an à Lyon, il devient précepteur, se voit congédié, mais écrit un premier brouillon de l'Émile: théorie et pratique ne coïncident pas toujours. Nouvelle solitude aux Charmettes, nouveaux essais – des épîtres, un opéra, l'élaboration d'un nouveau système de notation musicale –, avant de repartir pour Paris dans l'espoir d'y être reconnu. Entre Fontenelle pour les leçons morales, Marivaux pour corriger les projets d'opéras, Rameau pour les conseils en théorie musicale, Diderot pour les parties d'échecs, Rousseau côtoie très vite le Paris des Lumières. Précepteur du fils d'un conseiller du roi, il s'éprend, encore une fois, de la maîtresse de maison, se voit à nouveau congédié, tombe malade, et trouve finalement, en 1742, une place de secrétaire auprès de l'ambassadeur de France à Venise. Nouveaux fiascos: les femmes, la diplomatie au petit pied, l'éclat navrant du bel canto, et surtout l'ambassadeur irrité par les prétentions de son adjoint – Rousseau est de retour à Paris l'année suivante, et la gloire ne vient toujours pas. Engagé pour adapter un livret de Voltaire, les Fêtes de Ramire, à la musique de Rameau,Jean-Jacques Rousseau est blessé par le peu d'intérêt que lui prodigue l'écrivain, traîne dans sa réécriture, que Rameau terminera. Alors, dans sa solitude, il lie son sort à une servante de vingt-trois ans, de dix ans sa cadette, Thérèse Levasseur. .
1 -[Jean-Jacques Rousseau]
2 -[Jean-Jacques Rousseau : Le combat encyclopédique]
3 -[Jean-Jacques Rousseau : L'exil et l'écriture des «Confessions»]
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