Patrimoine  Spirituel  de l'Humanité

Victor Hugo seul


Victor Hugo : Victor Hugo seul

La mort de Léopoldine



Ces années de la consécration seront bientôt celles du désastre. Si l'échec des Burgraves (1843), qui enterre le drame romantique, laisse Victor Hugo presque indifférent, il vit comme une dépossession «le bonheur désolant de marier sa fille». Aussi passionnément père de Léopoldine que le sera son héros Jean Valjean de Cosette, il se soumet avec accablement à cet arrachement. «Didine» ne sera pas longtemps la radieuse Mme Charles Vacquerie. Le 4 septembre 1843, elle et son mari se noient dans la Seine, à Villequier. Victor Hugo, brisé, se tait, cesse de publier. Dépressif, il se jette alors dans une passion éblouie et suicidaire pour une très jeune femme, Léonie Biard: sans parler de la réputation d'un candidat à la pairie, il expose les deux ménages – le sien, avec Juliette, et celui de Léonie, en butte à la jalousie conjugale. Le 2 juillet 1845, Hugo, pair de France depuis deux mois, est surpris en flagrant délit d'adultère; Léonie est emprisonnée, Victor Hugo, malgré l'immunité parlementaire, est la vedette d'un scandale ridicule, au grand ravissement de ses rivaux, qui, après avoir vu en lui un écrivain «honoraire», le considèrent comme un homme fini.

Hugo émergera pourtant de cette saison en enfer: il se met – sans en rien dire à personne, sauf à Juliette – à écrire les Misères, première version des Misérables , et des poèmes d'un ton nouveau, point de départ des Contemplations.

Victor Hugo en politique


Février 1848 interrompt ces entreprises. Hugo, élu député conservateur, est peu sensible à un «printemps des peuples» dont il déplore la pagaille. La terrible guerre sociale de juin 1848 l'ébranle et, tandis que la république, sous la présidence de Louis Napoléon Bonaparte, glisse vers une réaction de plus en plus cléricale et policière, Hugo choisit – pour toujours – l'autre camp: celui de la lumière contre la misère, du progrès contre l'ignorance, de la laïcité de l'instruction contre l'ordre moral qui, par la loi Falloux, a remis l'enseignement sous le contrôle de l'Église. Après le coup d'État du prince-président, le 2 décembre 1851, et l'échec du soulèvement républicain, Hugo entre dans la clandestinité. Grâce aux faux papiers procurés par Juliette, qui n'a cessé de veiller sur lui, il quitte Paris pour Bruxelles. L'administration prononce son interdiction de séjour. L'exil durera vingt ans.

Hugo exilé


Ses fils sont en prison à Paris, où se «bazarde», avec le mobilier vendu aux enchères, toute la réussite passée. Mais Victor Hugo exulte: «J'aime la proscription, j'aime l'exil.» Le voici libre d'exercer, dans une patrie qui a désormais la dimension de l'humanité, son «droit à la parole» et d'être pleinement le député d'une république idéale.

Jersey
Aussitôt il invente la «parole qui tue» et mitraille l'usurpateur, en prose d'abord, avec Napoléon le Petit. Menacé d'expulsion, Victor Hugo s'établit à Jersey, y installe sa tribu, reconstituée au milieu des vagues, et lance sa seconde salve, en vers cette fois, les Châtiments
. La vie s'organise à Marine Terrace, qui tient de l'Olympe et de l'atelier d'écriture. Hugo découvre de nouvelles délices, porter des chapeaux mous, se baigner par tous les temps, poser devant l'objectif, écouter la mer. Il achève les Contemplations.

Guernesey
En 1855, une nouvelle «expioulcheune», politesse anglaise envers Napoléon III, les envoie à Guernesey. Pour ne plus être «déménagé», Victor Hugo devient propriétaire. Les revenus des Contemplations paient Hauteville-House, dont le génie bricoleur de Victor Hugo fera une œuvre «autographe»: carreaux bleutés, vieux bois luisants, miroirs, devises latines, lustres maison, «rouge Hugo» impriment bientôt à cette demeure une féodale chinoiserie inimitable. Hugo lui-même change, se dessine une autre tête, barbue, déjà légendaire. Mais si le «périssime» s'épanouit, le clan dépérit, fait sécession. Adèle puis ses frères séjournent de plus en plus longtemps en Belgique ou à Paris. Adèle II part à son tour rejoindre un fiancé chimérique. Sa mère, quelques années après, ne reviendra auprès de Hugo que pour mourir dans ses bras.

À Guernesey, le voici seul avec la fidèle Juliette. «Je travaille, c'est ma force.» De fait, l'œuvre de l'exil est colossale. Outre l'achèvement des Misérables, il mène de front poésie (la Légende des siècles, les Chansons des rues et des bois, Dieu, la Fin de Satan), roman (les Travailleurs de la mer, l'Homme qui rit), critique (Shakespeare), théâtre (Théâtre en liberté, Mille Francs de récompense). Enfin, «solitaire, solidaire», Hugo défend inlassablement les opprimés du monde, la Pologne, le Mexique, Garibaldi – champion de l'unification italienne –, John Brown – Américain blanc pendu pour avoir pris la défense, armée, des esclaves noirs.


  
  
  


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